Wang Lin ne se plaignait pas de cette tranquillité retrouvée. Bien qu’il eût été expulsé du bâtiment principal, il entendit quelques moqueries de disciples en formation, mais il n’y prêta aucune attention. Au cours de ce mois, il avait acquis une compréhension générale du chemin de la cultivation immortelle. Celle-ci se divisait en cinq étapes : condensation du qi, fondation, formation du noyau, naissance du yuan et transformation divine.
Dans toute la secte Heng Yue, seuls deux maîtres avaient atteint le stade de formation du noyau. Ils résidaient au sommet des montagnes, où l’énergie spirituelle était la plus dense, et passaient leurs journées en méditation fermée. Sauf en cas d’événements majeurs pour la secte, ils n’intervenaient jamais.
Quant aux pratiquants au stade de fondation, ils n’étaient pas plus d’une dizaine. Ces individus constituaient la force principale de la secte et jouissaient de privilèges : pierres spirituelles et trésors magiques étaient mis à leur disposition.
Pour les autres, la grande majorité stagnait au stade de condensation du qi, comme Sun Dazhu, qui n’avait atteint que le cinquième niveau.
La cultivation était un chemin difficile, demandant un investissement colossal de temps. Pour ceux ayant de faibles talents, quelques dizaines d’années de vie ne suffisaient pas pour progresser. Si le stade de condensation du qi était déjà si ardu, il était presque inimaginable de dépasser ce niveau. En plus d’une abondance d’énergie spirituelle, atteindre les niveaux supérieurs nécessitait une immense opportunité et une profonde compréhension. Ces trois éléments étaient indispensables.
Wang Lin comprenait parfaitement l’importance de l’énergie spirituelle et ressentait une impatience croissante de récupérer sa mystérieuse perle. Bien qu’il ne soit toujours pas parvenu à absorber de l’énergie dans son corps, il était persuadé que boire régulièrement l’eau de la source imprégnée par la perle accélérerait ses progrès. Après tout, le stade de condensation du qi consistait simplement à accumuler de l’énergie spirituelle.
D’après l’intérêt que Sun Dazhu portait à cette source, il était évident que l’eau imprégnée de la perle contenait une forte concentration d’énergie. Cette pensée remplissait Wang Lin d’excitation. Mieux encore, à l’endroit où il avait caché la perle, il avait également dissimulé trois gourdes d’eau de rosée. Ces dernières devaient contenir une énergie spirituelle encore plus pure.
S’il les buvait, l’effet serait sans doute supérieur à celui des potions qu’il avait consommées au cours du dernier mois. Peut-être obtiendrait-il même de meilleurs résultats. Wang Lin se réjouissait donc d’avoir été expulsé du bâtiment principal et d’être désormais à l’abri de la surveillance de l’Aîné Sun Dazhu.
En tant que disciple de la secte intérieure, bien qu’il ne résidât plus dans le bâtiment principal, il pouvait choisir librement un logement parmi les cinq annexes. Wang Lin opta pour l’annexe du Feu, près de la porte Est, et s’installa dans une maison isolée.
Les disciples de la secte intérieure bénéficiaient de différents avantages selon la couleur de leurs vêtements. Au fil du mois, Wang Lin avait appris de nombreuses choses grâce à Sun Dazhu. Par exemple, chaque dixième jour du mois, les disciples pouvaient se rendre à la salle des pilules du bâtiment principal pour recevoir un éclat de pierre spirituelle de qualité inférieure et une pilule de concentration spirituelle destinée à augmenter leur énergie.
En accumulant dix éclats, il était possible de les échanger auprès de leur maître contre une pierre spirituelle complète de qualité inférieure.
Après avoir organisé son nouveau logement, Wang Lin ne se précipita pas pour récupérer sa mystérieuse perle. Il craignait que Sun Dazhu ne le surveille encore en secret. Par précaution, il conserva sa routine habituelle : méditer près de la source pendant la journée et pratiquer la respiration dans sa chambre la nuit.
En réalité, Sun Dazhu, bien que réticent à l’admettre, continua à surveiller Wang Lin pendant une dizaine de jours supplémentaires avant de perdre tout espoir.
Un mois plus tard, une nuit, Wang Lin quitta discrètement sa chambre. Il serpenta dans les montagnes, tournant à gauche et à droite, jusqu’à atteindre l’endroit où il avait caché ses gourdes. Il récupéra alors la mystérieuse perle ainsi que les gourdes et les rangea dans son sac de rangement. À l’œil nu, personne n’aurait pu deviner quoi que ce soit d’inhabituel.
Après avoir passé quelques jours dans une prudente vigilance et constaté qu’il n’y avait rien d’anormal, Wang Lin se détendit enfin. Il arrêta de se rendre à la source pendant la journée et passa tout son temps chez lui à examiner la mystérieuse perle.
En la tenant dans sa main, il remarqua immédiatement que le nombre de nuages gravés sur la perle était passé de sept à neuf. Il supposa que l’humidité élevée de la montagne avait permis à la perle d’absorber une grande quantité d’eau.
Quant aux trois gourdes, lorsqu’il les ouvrit une à une, il découvrit que l’eau de rosée qu’elles contenaient était devenue visqueuse. Celle provenant de la rosée du matin était même presque solidifiée, semblable à une gelée translucide.
En observant la perle et les trois gourdes, une idée lui vint soudain à l’esprit. Si la mystérieuse perle avait besoin d’eau pour former ses nuages, que se passerait-il si toute l’eau de ces trois gourdes était utilisée pour l’alimenter ? Cela pourrait-il accélérer l’apparition d’un dixième nuage ?
Son cœur s’emballa à cette pensée. La perle, bien qu’assez petite, était déjà recouverte de neuf nuages serrés qui en couvraient presque toute la surface, ne laissant qu’une minuscule zone de la taille d’un ongle. Wang Lin supposa que c’était là que le dixième nuage devait apparaître.
Il réfléchit un instant. L’envie de découvrir ce qui se produirait si un dixième nuage apparaissait le submergea. Après tout, à première vue, il n’y avait pas de place pour un onzième nuage. Le dixième semblait donc être le dernier.
Cependant, ce jour-là correspondait au jour où il devait se rendre au bâtiment principal pour recevoir sa pierre spirituelle. Voyant que la nuit tombait, il rangea précieusement la perle et les gourdes dans son sac, qu’il glissa ensuite contre sa poitrine, avant de quitter sa chambre.
Familiarisé avec les chemins de la secte, il atteignit rapidement le bâtiment principal. Alors que le crépuscule n’avait pas encore totalement envahi le ciel, il hâta le pas en direction de la salle des pillules.
Avant même d’arriver, une voix familière résonna au loin :
— Sœur aînée Zhou, mon maître m’a ordonné de méditer en clôture pendant trois mois pour atteindre le premier niveau de condensation du qi. Mais je n’arrivais pas à me concentrer, car je pensais constamment à toi. Hier soir, j’ai enfin réussi à atteindre le premier niveau. J’ai couru dans les montagnes pour te cueillir cette fleur. Regarde comme ses pétales sont magnifiques ! Il y avait un grand serpent qui la gardait, et j’ai dû me battre durement pour le tuer. Regarde mon bras, je me suis blessé en chemin.
Wang Lin ralentit son pas, fronça légèrement les sourcils et, intérieurement, laissa échapper un rire froid. Il reprit toutefois une démarche assurée, continuant son chemin sans se presser.
À ce moment-là, une voix claire et mélodieuse, semblable au chant d’un merle, retentit :
— Frère Wang, ma famille pratique la médecine traditionnelle depuis des générations. Cette fleur est une simple herbe connue sous le nom de ming rixiang. J’en ai vu beaucoup en montant dans les montagnes. C’est bien la première fois que j’entends parler de serpents qui aimeraient la protéger. Si c’était vrai, la secte Heng Yue serait probablement envahie de serpents. Sœur Zhou n’y crois pas vraiment.
Au même moment, Wang Lin entra dans le jardin menant à la salle des pillules. En balayant l’endroit du regard, il remarqua la présence de quatre personnes, deux hommes et deux femmes, toutes vêtues d’habits rouges.
Parmi les deux hommes, l’un se distinguait par son allure élégante et son visage raffiné, mais son expression, à cet instant, trahissait une gêne manifeste. Alors qu’il s’apprêtait à répondre, il fixa soudainement le regard sur la porte d’entrée. Ses yeux s’écarquillèrent sous l’effet de la surprise, et il s’exclama d’une voix incrédule :
— Wang Lin ! Toi… que fais-tu ici ? Tu devrais être chez toi, en train d’aider ton père à travailler le bois !
— Wang Lin ? Alors c’est toi, Wang Lin ! Celui qui est devenu disciple en formation en simulant une tentative de suicide, puis a intégré la secte intérieure en flattant l’oncle-maître Sun ? C’est vraiment toi ?
La jeune fille qui venait de parler s’exprima d’un ton stupéfait, tout en se couvrant la bouche. Elle avait de longs cheveux noir, brillants et soigneusement tressés. Ses sourcils épais encadraient des yeux aussi sombres que l’onyx, qui brillaient de curiosité. Son visage était agréable, empreint d’une certaine beauté.
Les deux autres personnes présentes semblaient également surprises. Ils détaillaient Wang Lin du regard sans retenue. Parmi eux, une jeune femme possédait une paire d’yeux magnifiques, ornés de longs cils, qui trahissaient encore une certaine innocence juvénile. Ces yeux, semblables à deux cristaux de raisin scintillants, clignaient rapidement, témoignant d’un vif intérêt pour Wang Lin.
Face à ces regards, l’interessé demeura impassible. Il parcourut les quatre personnes du regard, sans émotion apparente. En entendant les paroles de la jeune fille, il comprit immédiatement qu’elle était celle qui venait de ridiculiser Wang Zhuo. Il lui trouva un air familier et, après un moment de réflexion, la reconnut comme l’une des personnes ayant réussi l’évaluation de talent quelques mois plus tôt.
Puisqu’il l’avait identifiée, il n’y avait aucun doute que l’autre jeune femme devait être la sœur Zhou à qui Wang Zhuo venait d’offrir une fleur.